[ No VI  ]  Freedom and liberty

IL FAUT CREER UN TRIBUNAL D'ETAT

liberty


VERSAILLES

04 OCTOBER 1789

Loin de nous le dessein cruel de jeter le moindre doute surl’innocene de M. de la Salle ; les juges les plus sévères ne lui reprochent que d’avoir négligé une simple formalité. Mais tout en applaudissant à son triomphe, il nous paraît un peu étrange que les Etats Généraux se soient érigés en cour de justice pour l’absoudre. Cet acte d’autorité qui confond tous les pouvoirs en réunissant le judiciaire au législatif ne tendrait à rien moins qn’à rendre despotique l’Assemblée nationale ; car, si elle peut absoudre, elle peut condamner : dès lors, les citoyens ne seraient plus sous la sauvegarde de la loi ; livrés sans défense à la merei d’un comité de recherches, ils se verraient tôt ou tard sous le joug de leurs propres représentants.

Pour éviter ce malheur affreux où entraînerait nécessairement la confusion des pouvoirs, les Etats Généraux auraient dû ériger un tribunal pour connaître des crimes d’Etat, tribunal que le public réclame depuis longtemps …

Je ne vois qu’un moyen de former un tribunal impartial et ferme qui ait la confiance publique et qui fasse parler la loi, c’est de le composer d’un membre de chaque district de la capitale, choisi par la voie du sort, et d’un président choisi par la voie du scrutin.

Ce tribunal commencerait à entrer en activité par l’instruction des procès des victimes de la populace effrénée, afin que leur mémoire fût flétrie ou réhabilitée suivant qu’ils seraient trouvés coupables ou innocents. Craindrions-nous de le dire ? Au milieu des cris d’indignation élevés de toutes parts contre les Launay, les Flesselles, les Foulon, les Berthier, se font entendre en faveur du chevalier du Pujet (massacré dans sa chambre après la prise de la Bastille) les regrets de mille honnêtes citoyens.

by Jean-Paul Marat